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Dans mes silences


Je te cherche à l’endroit de mes silences

là où personne n’est jamais

où l’on ne sait comment se tenir

qu’y faire

alors on se tient sur un pied

en cherchant des mots de trop

parfois on fait de grandes phrases

en mangeant la soupe

on s’enthousiasme d’avoir

coupé les légumes

tout en reprisant les chaussettes

et en essuyant les fesses du petit enfant

et travaillant aussi tout en même temps

certains se bombent le torse

d’avoir su tailler le figuier

même si ne n’est pas la saison

et s’en félicitent

s’en congratulent

dans des éclats de voix

moi je ne dis rien de tout cela

j’ai bien trop peur d’un mot de trop

je rentre le bois pour l’hiver

j’allume le feu

puis je t’attends sur le pas de la porte

en humant l’obscurité froide

en guettant l’humeur inquiète

des chouettes effraies

et mon cœur qui s’égaie

à courser un instant la comète

il en faut bien du silence

pour débusquer le souffle qui s’enfuit

s’en va chercher l’humide de la nuit

et le rapporte indemne

ta silhouette je la devine

dans la parure sombre des châtaigniers

la forêt qui te délivre

de ses bras

de ses ombres qui bruissent

tu t’extraies

tu n’as pas besoin de me dire

« c’est moi qui m’en vient »

je le sais avant toi

je t’entends venir à moi

dans le silence où personne n’est jamais

où la place n’est qu’à toi

qui d’autre pourrait emplir cet endroit

aussi bien que toi.





 

pour L.





 

Texte : Émilie Bruguière


Illustration : Per Adolfsen / Instagram








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